En route pour la FIV 3

La salle d’attente de Hope était bondée comme jamais. Des couples, des femmes seules. Je les ai observé un instant avant de, comme eux, plonger le nez dans un bouquin. La plupart avait ce petit air blasé de ceux qui passent trop de temps dans les salle d’attente ; certains avaient l’air fatigués ; personne ne semblait toutefois au bout du rouleau. C’était un peu comme parcourir des yeux mes propres émotions : blasée, fatiguée, mais qui s’accroche, encore et toujours, et qui continue le combat.

Hope a compté avec moi mes cycles futurs et nous avons convenu qu’entre l’embolisation et la fermeture de la clinique fin juillet, le mieux était de caler la FIV sur le cycle de juin. Elle nous a tout expliqué, du traitement au déroulé. Pour une fois elle ne parlait pas à toute allure, et elle a même pris le temps de se répéter. Ce n’était pas tellement utile vu que les FIV sont presque une routine pour nous, mais sa sollicitude était agréable. Comme l’impression de se faire un peu dorloter.

Et puis elle nous a assenés d’un « on va parler franchement », et j’ai immédiatement été sur mes gardes. Cette phrase, elle l’a déjà prononcée plusieurs fois depuis qu’on la côtoie, et cela n’augure généralement rien de bon.
C’est qu’elle s’est laissée contaminer par la perplexité de notre biologiste Carte Doute. D’après ces deux-là, on n’est vraiment pas assurés d’obtenir des J5 transférables. Alors peut-être que cette FIV sera une FIV diagnostique de plus ; peut-être que cette FIV nous donnera le droit de faire une FIV 3 bis avec plus de cartes en main ; peut-être que cette FIV nous propulsera directement en FIV-do.
Elle a répété plusieurs fois « votre dossier est bon et n’explique pas la mauvaise qualité des embryons précédemment obtenus ». J’ai répondu d’une petite voix « on a quand même découvert ma déficience en LH et la varicocèle ». Elle a fait la moue, exactement comme notre Carte Doute. Visiblement ça ne suffit pas pour les convaincre. C’est dommage, parce que moi j’aimais bien cette version de l’histoire avec le happy end Ils firent une FIV 3 et eurent un enfant.

« Si on obtient des embryons transférables » a-t-elle ajouté en insistant bien sur le Si, on optera peut-être pour du tout congelé. Ma Carte Chance endocrinologue préconise en effet une ponction la plus tardive possible (rapport à mes ovocytes qui peinent à maturer) ce qui me fait courir le risque d’une hyper-stimulation. Ce n’est pas une surprise, on me l’avait déjà dit, j’avais assimiler ce risque.
Mais il y a autre chose : mon utérus si « magnifique » à l’hystéroscopie ne l’est peut-être pas tant que ça. Elle soupçonne la présence d’adénomyose. Mon intérieur cinq étoiles cache peut-être des vices cachés ; comme si derrière les moulures et les boiseries les murs en fait s’effritaient. On vérifiera ça lors des échographies de contrôle. Et si cela se confirme, alors définitivement on optera pour du tout congelé et un transfert différé après traitement.
A ce stade là, le soupçon d’adénomyose me passe bien loin au dessus de la tête. Je sais que ça peut vouloir dire des mois et des mois de ménopause artificielle avant transfert, mais seul le Si résonne en moi. Car s’il n’y a rien à transférer, de toute façon…

Face à l’incertitude et au manque d’optimisme de nos médecins, mon espoir déjà fragile s’est délité et j’ai le sentiment de me rendre à l’échafaud en faisant cette troisième FIV. J’ai le cœur qui se sert d’avance, et je me demande pourquoi nous nous infligeons ça une fois de plus.
« Mais si nos médecins ni croyaient pas du tout, ils ne tenteraient même pas. Ils nous auraient directement proposé une FIV-do » me serine une petite voix. Je sais qu’il faut que je m’accroche à ça, car sans espoir je ne tiendrais pas la distance. Je le sais, mais pour autant je n’y arrive pas : je la trouve bien trop naïve, cette petite voix.