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Tu comptes pour du beurre

Echange de confidences avec une collègue. Elle est la cadette de la fratrie, et quand elle était enfant elle devait toujours courir pour suivre les autres ; trop petite pour prendre les décisions, pour avoir le droit de choisir le jeu, pour avoir son mot à dire. « Tu comptes pour du beurre ! » lui disaient ses cousins et ses sœurs. Une remarque anodine pour eux, dont elle se souvient les larmes aux yeux cinquante ans plus tard.
Son anecdote m’a serré le cœur pour la petite fille qu’elle était, mais aussi pour l’adulte qui s’est construite avec ça comme référence. La première phrase qui lui revient de son enfance reste ce fameux « Tu comptes pour du beurre » lancé à l’époque par les plus grands, sans qu’ils n’aient sans doute aucune conscience de la conséquence de leurs mots.

Depuis que nous sommes infertiles, j’ai parfois moi aussi la sensation de compter pour du beurre. Quand il faut fixer une date pour les réunions de famille, pour les weekend ou pour les fêtes, mes parents et ceux de Psychoti organisent les choses en fonction de leurs petits enfants. Et puis nous, les enfants sans enfants, ils nous rajoutent comme ils peuvent. Après tout on n’est que deux ; c’est plus facile pour nous de nous arranger. Alors ils nous balancent des dates toutes prêtes sans nous demander notre avis. Et quand on rouspète, ils répondent « bah oui mais les autres c’est plus compliqués… et puis vous vous ne savez jamais à l’avance ! ». Bah oui. On est en PMA tu vois, alors ne rien pouvoir planifier à l’avance, c’est un peu le principe de base. C’est pas pour autant qu’il faut nous négliger et nous donner le sentiment qu’on compte pour du beurre.

Le weekend dernier, weekend qui a suivi l’embolisation de la varicocèle, on s’est retrouvé dans un micmac de sorties familiales sans aucun sens. Parce qu’encore une fois la priorité a été donnée aux familles avec enfants, et que nous, pauvres petits nullipares, n’avons eu qu’à suivre le mouvement. Personne n’a pris en compte le fait que Psychoti venait de se faire opérer ; personne n’a trouvé incongru de fêter l’anniversaire d’une autre le jour de son anniversaire à lui ; personne ne s’est soucié non plus du fait que je travaillais le samedi, et que pour moi le weekend de Pâques n’était en fait qu’un basique weekend de deux jours.
Et pourtant on a suivi le mouvement. Bêtement. Même si rien de tout cela ne nous arrangeait. Avec la petite musique du « Tu comptes pour du beurre » clairement en fond sonore. Il a fallu que les larmes montent dimanche matin pour que je réalise que je vivais mal tout ça. Mon corps joue souvent le rôle de sentinelle quant à la gestion des émotions, et m’informe bien avant que je ne le réalise qu’il y a un vrai problème.

Le weekend est passé. Pas trop mal, finalement. Mais la prochaine fois, c’est quand même décidé, on sera moins conciliants. Si notre avis n’est pas pris en compte, on ira tout simplement voir ailleurs. Tant qu’à compter pour du beurre, autant s’en servir pour garnir nos propres tartines.

18 réflexions au sujet de « Tu comptes pour du beurre »

  1. Pas simple tout ça… Il faut en effet penser à se préserver de certains coups que l’on prend à l’aveugle, sans le réaliser sur le moment. En même temps, vu que nos vies sont impossible à planifier cause PMA, peut-être que ce n’est parfois pas plus mal de se greffer sur l’organisation des autres en dernière minute? Tant qu’ils comprennent qu’on ne s’est pas engagés à venir et qu’on peut aussi se décommander… des bisous

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    1. Au final je crois qu’il n’y a pas de solution… quoi qu’on fasse et quoi qu’ils fassent, tout nous renvoie à notre situation de couple sans enfant. C’est ça, en fait, le vrai problème. Et pour le coup ils n’y peuvent vraiment rien…

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  2. Comme je te comprends, meme sans parler pma, chez nous aussi on compte pr du beurre. Monsieur comme toit travaille le samedi, et a chaque fois, la meme histoire, un jour je l’ai dit cash a mon beau frere, que nous avons une vie même sans enfant, et surtout un boulot different du sien. Je sais que ca n’a pas plu, mais tant pis.
    Bisous

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  3. Oh ma Psychot, je te fais plein de câlins 💕
    J’adore le beurre (salé…mmmh) et j’en mange tous les matins sur mes tartines!!!
    Ne compter que parce qu’on a des mômes, ne me semblent guère enviable non plus !! Mais bien sûr, je comprend ton point de vue.
    Faire ce qui est bon pour vous, et les autres s’en accommoderont, c’est très bien!

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    1. Je crois que dans le fond on compte quand même, mais qu’on voit tout en noir à cause de l’infertilité… C’est comme pour ma copine célibataire qui se sent toujours la 5e roue du carrosse… Nous c’est la PMA qui nous rend susceptibles et bancals !

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  4. Il faut se protéger et l’entourage comprend difficilement ce que l’on vit… On a fini par zapper les réunions de famille ! On se rattrape aujourd’hui et personne n’est fâché, il faut aussi que le message passe que l’on souffre lorsque notre désir d’enfant ne se réalise pas…

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  5. Tu as bien raison! Si tu comptes pour du beurre, c’est qu’il n’est pas indispensable que tu sois là, alors autant faire passer tes envies en 1er et si tu as qqch de mieux à faire alors tant pis pour eux!
    Je comprends que ce ne soit pas facile, après tout c’est la famille, mail il faut se préserver aussi…
    Avec le temps ils comprendront peut-être et votre présence leur manquera…
    Des bisous!

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  6. Que c’est difficile d’être conciliant tout le temps. On a longtemps été dans le même cas que vous… Et si je peux me permettre un conseil : ne vous sentez pas obligé de tout accepter sous prétexte que « c’est plus simple pour vous de vous plier aux demandes des autres » Et Si le besoin de s’enfermer dans une bulle se fait ressentir alors enfermez vous dans votre bulle…

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  7. J imagine que tres bien dans quel etat a pu etre psychoti quand jai vu l etat de Mr souris.
    Cest pas cool. Vos amis sont ils au courant? Si cest pas le cas, crever l abcés ferait peut etre du bien. Prendre sur soin sur le long terme cest chiant. Et malsain. Des bisous

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  8. Serions-nous forcément le beurre de quelqu’un ? Mes amis célibataires ralaient lorsque pendant les vacances entre copains ils se retrouvaient toujours dans les moins belles chambres et les petits lits. Anecdote de moindre mesure bien sûr. Même si le célibat est une souffrance terrible pour certains.
    J’ai confiance à la fois en ton indulgence et en ton affirmation de toi. C’est pas parce qu’on se montre compréhensifs qu’on doit se voir imposer systématiquement des choses sans rien dire. Tu comptes pas pour du beurre ma Psychota 💚

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  9. Je comprends complètement ce que tu dis. Pendant de nombreuses années, on a eu cette impression de compter moins – nos parents et beaux-parents ne venaient que rarement nous voir et pour pas longtemps, alors qu’ils passaient une grosse partie des vacances scolaires avec nos neveux et nièces, et on ne le vivait pas super bien. Depuis qu’on a la petite, on les voit bien plus souvent.
    Prenez soin de vous surtout, et protégez vous. On attend souvent beaucoup de l’entourage, et les déceptions peuvent être à la hauteur de ces attentes malheureusement.

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