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La fabrique des souvenirs

Pré-FIV : flash-back sur les vacances (2/3)
Belle Maman fait la vaisselle pendant que je l’essuie. Les hommes ont filé dans le salon. La féministe qui sommeille en moi pourrait s’insurger, mais la vérité c’est que j’aime ces moments entre filles. Ça me rappelle mon enfance, quand ma mère, ma grand-mère et ma tante profitaient de la préparation des repas pour parler ensemble de l’essentiel. Pour se confier, et pouffer de rire comme des gamines. C’était de bons moments. Il m’en reste de beaux souvenirs.

Nous parlons de tout et de rien. Du futur enterrement de vie de célibataire de nos amis fin mai. Nous ne savons pas si nous allons pouvoir y aller avec Psychoti. Belle Maman me demande pourquoi. Une question simple, innocente. J’aurais pu répondre que ça tombe un samedi où je travaille. J’aurais pu éluder. Mais j’y ai vu une perche à saisir. Psychoti n’arrive pas à se lancer et moi, je n’en peux plus de ce pseudo secret. Alors j’ai dit : « à cette période nous aurons des rendez-vous médicaux avec Psychoti. Rien de grave, mais on essaie depuis un moment de faire un enfant et ça ne marche pas… »

Belle Maman a lâché sa vaisselle et m’est tombée dans les bras. Elle s’est mise à pleurer. Et comme j’ai la larme facile, je me suis mise à pleurer en retour en répétant « c’est pas grave, non mais vraiment, c’est pas si grave ! ».
« C’est pas ça, me répond-elle, mais je suis tellement contente que tu m’en parles ! On s’en doutait un peu, et on n’osait pas aborder le sujet, on ne savait pas… Je suis tellement soulagée de savoir, c’est comme si tu m’enlevais un grand poids. Et Psychoti est si réservé… J’avais peur qu’il ne m’en parle jamais ».
Pour moi, c’est comme si les rouages avaient tourné, m’offrant une nouvelle place au sein de cette belle famille. J’ai eu la sensation d’être le lien, l’élément invisible mais indispensable pour une construction solide. A travers moi, elle a enfin pleinement accès à son fils si secret. Je suis la liaison, la communication. Je suis l’équilibre.

Psychoti entre dans la pièce, tout étonné de tomber dans ce bain d’effusions. Finalement de nous trois, c’est certainement lui à qui ce secret pesait le moins. Voilà sans doute pourquoi il traînait à en parler, et pourquoi il m’a laissée m’en charger.
Psychoti, mon éternel ours solitaire… Perçoit-il au moins à quel point c’est important pour sa famille d’être là pour nous, d’avoir la possibilité de nous accompagner dans ces épreuves ? Devine-t-il seulement à quel point il est aimé ?

Belle Maman nous a posé des questions très pertinentes sur ce qu’on vivait. Elle nous a avoué ne rien y connaître et ne pas y comprendre grand choses. Pour autant, elle n’a eu aucune phrases maladroites ou malheureuses. Je lui ai expliqué rapidement notre situation (infertilité inexpliquée), ce qu’on avait déjà vécu (stimulations ovariennes et inséminations) et ce qu’on s’apprêtait à vivre (FIV). Je lui ai aussi parlé des statistiques, pour lui faire comprendre que si on est plein d’espoir, rien n’est pourtant gagné.

Jamais je n’aurais imaginé que ma belle famille puisse s’en douter. Il y avait bien cet étrange silence qui entourait la grossesse de ma belle sœur, mais… Ça me semblait juste impossible qu’ils sachent. Et jamais je n’aurais pu envisager une telle réaction non plus. Si loin des maladresses habituelles que nous, infertiles, encaissons en serrant les dents…

Décidément, les petits instants volés en cuisine cachent souvent de bons moments. Et semblent être pour moi une fabrique inépuisable de beaux souvenirs.

30 réflexions au sujet de « La fabrique des souvenirs »

  1. C’est très joli ce que tu écris, j’en suis toute larmoyante…
    Évidemment, comme toujours, ça me renvoie à moi. A mon silence auprès de ma famille et de celle de Jul. Mon homme et moi, on est un peu comme ton Psychoti quand il s’agit de la famille. C’est un sujet qu’on n’a jamais abordé, ni d’un côté ni de l’autre. Alors que je suis sûre que ses parents comme les miens ne demanderaient qu’à être présents. Et c’est d’autant plus bête que j’en parle assez facilement autour de moi, y compris à des gens pas si proches.
    Au fond, je crois que c’est parce que je continue à fantasmer sur notre annonce surprise pendant un repas de famille.
    Bon désolée, je t’ai raconté ma vie 😉 Des bisous

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    1. Mais j’aime bien quand tu racontes ta vie ! 😄 Mais oui, sinon, je pense qu’ici aussi on a trainé à le dire car on espérait toujours annoncer une grossesse… Seulement la FIV et son anesthésie générale nous font passer dans une autre dimension que je ne me sentais pas de taire. Des bisous

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  2. Tu as un tel talent de conteuse que je vis ces moments avec toi et les larmes viennent. Je te jalouse un peu aussi parce que ma belle-maman n’a pas la subtilité et la délicatesse de la tienne et pourtant… Je m’accroche juste à la beauté de ton histoire et à l’espoir que moi aussi un jour, je profiterais de beaux instants volés en cuisine.

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  3. Arf, tu m’as arrachés une larme.
    Et le psychoti, c’est bien un mec tient … le mien n’a jamais réussi à annoncer mes grossesses à SA famille, il fallait que ce soit moi qui le dise, mais bien sûre pas prévenue donc j’ai même pas pu faire un truc mignon ‘-_-
    Qu’est-ce tu veux faire après un : « dit leur toi »
    Tant mieux si ta belle-famille peut être un soutient, on en a toujours besoin ^^.

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    1. Oui elle est extra ! Les mauvaises langues me disent que ça changera à l’arrivée (tant attendue) des enfants, et que comme toutes les BM elle m’agacera à se mêler de leur éducation… J’espère leur prouver bientôt qu’ils se trompent 😉

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      1. Arrrf faut pas généraliser..à belle mère n’était pas comme ça… même si on n a pas d’enfant zncore en commun j’ai pu voir comment elle était à l époque avec les enfants de ses filles et ce n’était pas le cas. Elle est partie donc malheureusement je ne vivrai rien de cela avec elle du coup pour cette toute autre raison ton article m’a beaucoup émue . Bises à toi.

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    1. Oh oui… Les qq amis au courant sont plutôt silencieux sur notre parcours (mais on comprend que ce ne soit pas évident de trouver les mots…) par contre la famille, des 2 cotés, assure au maximum ! 😊 On sait qu’on a bcp de chance…

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  4. Vous avez de la chance d’avoir une famille aimante et compréhensive. 🙂
    Mon chéri ne veut pas en parler à ses parents car sa mère raconte tout à tout le monde !
    Et moi j’en ai parlé à mes parents et ils enchaînent les maladresses…
    Merci pour ce très bel article en tout cas ❤
    Bisous.

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  5. Génial ! Comme ça doit faire du bien ce genre de moments. Tu as eu 1000 fois raisons de cracher le morceau. Hâte de lire la partie 3/3 ! 😉
    Pour le moment mon Lucien n’a encore rien dit à sa famille. Avec son père qui vient d’apprendre pour son cancer, c’est encore plus délicat. 😦

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  6. Que c’est joliment écrit Psychota ! J’étais avec vous dans la cuisine et j’ai bien visualisé la scène. Quelle BM touchante tu as et que tu as bien fait de lui en parler ! Ce sera tellement plus facile sans ces non-dits.
    C’est dans des situations toutes bêtes comme celle que tu as décrit que nos langues se délient. C’est toujours plus facile je crois que face à face autour d’une table.
    Bises !

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  7. Malgré les maladresses et la gène de beaucoup, les remarques stupides de quelques uns, ça vaut vraiment le coup d’en parler. Pour ne pas se priver de moment précieux tel que celui là. Et être bien entourés.
    C’est chouette !

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